Pour les Grecs anciens, ensuite les Romains, d'un point de vue
philosophique et même théologique, le souffle (le « pneuma » puis le
« spiritus ») symbolise la vie.
Empédocle, comme ensuite Platon,
pense que l'air sert à refroidir le feu intérieur dont le cœur est le
siège, qu'il est absorbé et relâché alternativement par le nez et la
bouche et par les pores de la peau.
Alors que le rôle de la respiration dans l'activité motrice ne commence à intéresser les Occidentaux qu'à partir du XIXe siècle, les arts martiaux extrême-orientaux, qu'il s'agisse du wǔshù chinois ou des techniques de combat japonaises, ont, depuis les origines, considéré la respiration comme une clé majeure de leurs disciplines.
L'évidence (du moins pour les humains et autres vertébrés terrestres)
du besoin vital de respirer et l'intuition d'un rapport avec l'énergie
trouvent un écho dans la plupart des religions. Au sein ou en marge de celles-ci, divers courants mystiques accordent à la respiration un intérêt majeur et ritualisé.
Dans l'Égypte antique, Amon symbolise le souffle vital, comme rapporté par les papyrus
des hymnes laudatifs à son nom : « Forme unique, produisant toutes
choses, le Un qui est seul, produisant toutes choses (…) Qui donne le
souffle à ce qui est dans l'œuf »70.
La Genèse formule l'acte de Dieu créateur dans des termes comparables71 :
« Yahweh Dieu forma l’homme de la poussière du sol, et il souffla dans
ses narines un souffle de vie, et l’homme devint un être vivant » mais
en destinant spécialement à l'homme l'intention divine, c'est aussi l'esprit de Dieu qui est transmis par le souffle72, rendant indissociables les dimensions mentale et physique. Pourtant, la référence à la respiration apparaît peu dans les liturgies ou les pratiques des religions du Livre.
Faisant exception, certaines confréries soufistes
considèrent que le contrôle et la rétention du souffle permettent
d'accomplir le "voyage spirituel" qui rapproche de la "connaissance
inspirée par Dieu". Manifestement influencées par les méthodes des yogis hindouistes,
ces pratiques s'en démarquent délibérément car elles ont pour objectif
d'invoquer et de réciter répétitivement le nom de Dieu le plus souvent
possible73.
Dans la tradition taoïste, l’air (ch'i) est considéré comme la substance de tous les corps. L’adepte, en respirant, régénère sa matière, à la recherche d'une transmutation de son corps, d'une alimentation de l'« embryon de l'immortalité » par le ch'i. Le but est de réaliser la respiration de l'embryon74
afin que celui-ci, après une longue gestation, puisse grandir jusqu'au
moment où il pourra se dissocier du corps mortel et rejoindre ainsi les
régions paradisiaques.
La Respiration